L’estimation de la valeur marchande d’un bien immobilier constitue une étape stratégique pour les entreprises, investisseurs institutionnels et professionnels du secteur. En Suisse, plusieurs approches reconnues permettent d’établir une valorisation fiable, chacune reposant sur des critères et objectifs distincts. Dans la pratique, il est souvent pertinent de croiser plusieurs méthodes afin d’obtenir une estimation plus robuste.
Méthode hédoniste
La méthode hédoniste, parfois appelée méthode comparative de marché, est l’une des approches les plus couramment utilisées en Suisse pour estimer la valeur d’un bien immobilier. Elle consiste à comparer le bien à d’autres objets similaires récemment vendus dans la même région, en s’appuyant sur une base de données étendue de transactions effectives.
Critères d’examen
L’évaluation repose notamment sur :
- les caractéristiques physiques du bien (surface, nombre de pièces, état général),
- l’emplacement et la qualité de l’environnement,
- la taille et la typologie du bien,
- l’âge de la construction et les rénovations,
- ainsi que d’autres facteurs influençant la valeur, comme l’accessibilité ou les nuisances.
Cette méthode est principalement utilisée pour les biens résidentiels standardisés, et peut également s’appliquer à certains biens commerciaux lorsque des comparables suffisants existent.
Atouts
- Méthode rapide et peu coûteuse, grâce à l’utilisation de modèles statistiques.
- Particulièrement adaptée aux biens courants, tels que les appartements ou les maisons familiales.
Limites
- Moins pertinente pour les biens atypiques ou de luxe, car certains éléments qualitatifs ou uniques ne sont pas entièrement intégrés dans les modèles.
- Dépend de la disponibilité de comparables fiables dans la région concernée.
Méthode de la valeur réelle
La méthode de la valeur réelle (également appelée méthode du coût) consiste à estimer la valeur d’un bien immobilier en calculant le coût de sa construction ou de sa reconstruction, puis en déduisant la dépréciation liée à la vétusté, c’est-à-dire l’usure, l’âge et l’obsolescence.
Concrètement, il s’agit d’évaluer le coût nécessaire pour reproduire le bien à l’identique, puis d’appliquer un taux de dépréciation reflétant son état actuel. La valeur du terrain est ensuite ajoutée pour obtenir la valeur totale.
Cette méthode est particulièrement pertinente pour :
- les biens neufs ou récemment rénovés, pour lesquels les coûts de construction peuvent être estimés de manière précise,
- les biens uniques ou spéciaux, lorsque les comparaisons de marché sont insuffisantes (bâtiments historiques, propriétés atypiques, objets de prestige, infrastructures spécifiques).
Pour les biens immobiliers uniques, les modèles hédonistes disposent en général d’un nombre insuffisant de comparables, car très peu de transactions semblables sont enregistrées. Dans ces cas, il est judicieux de compléter l’analyse par un calcul de la valeur intrinsèque basé sur les coûts réels de construction.
La méthode de la valeur foncière consiste donc à déterminer la valeur d’un bien immobilier en additionnant la valeur du terrain (valeur foncière) et la valeur actuelle de la construction.
1. Valeur du terrain
La valeur du terrain est estimée à partir de plusieurs facteurs, notamment :
- le prix au mètre carré observé sur des parcelles comparables,
- le potentiel constructible (zone, COS, règlement local),
- l’attractivité de la commune (fiscalité, services, qualité de vie),
- la proximité d’un centre urbain ou d’infrastructures importantes.
En pratique, les experts utilisent souvent un prix du mètre carré déjà reconnu localement, provenant de :
- transactions récentes,
- références communales ou cantonales,
- échanges avec des professionnels du marché.
2. Valeur du bien
La valeur actuelle de la construction est déterminée en estimant le coût d’une nouvelle construction équivalente, incluant les frais annexes et les travaux d’aménagement, puis en déduisant une dépréciation liée à l’âge, à l’état général ou à l’obsolescence du bâtiment. Cette approche se concentre donc sur les coûts techniques et non sur la réalité immédiate du marché.
Dans la pratique, deux paramètres influencent le résultat : le prix du mètre carré de la parcelle et le taux de dépréciation appliqué au bâtiment. Ces éléments sont toutefois difficiles à établir de manière totalement objective. Par exemple, il est souvent complexe de justifier pourquoi une maison perdrait précisément 0,0 % plutôt que 1,2 % de valeur par an, ou pourquoi une parcelle serait estimée à 950 francs le mètre carré au lieu de 1'100 francs. Ces variations peuvent avoir un impact important sur l’évaluation finale.
Pour ces raisons, cette méthode est généralement utilisée en complément d’une évaluation hédoniste ou comme outil de validation d’une estimation basée sur la valeur de rendement. Elle permet d’obtenir un point de comparaison technique, surtout lorsque les données de marché sont limitées.
Atouts
- Indépendante des fluctuations de l’offre et de la demande.
- Pertinente pour des biens usuels comme pour des propriétés haut de gamme ou atypiques.
Limites
- N’intègre pas les tendances du marché local.
- Ne tient pas compte des dynamiques économiques réelles.
Méthode de la valeur locative
La méthode de la valeur locative (également appelée méthode de la valeur de rendement) est principalement utilisée pour évaluer les biens immobiliers générant des revenus, tels que les immeubles locatifs, les bureaux ou les surfaces commerciales. Elle s’appuie sur la capacité du bien à produire un revenu durable et constitue l’une des approches privilégiées des investisseurs pour analyser la rentabilité d’un objet immobilier.
Cette méthode repose sur les revenus locatifs actuels ou projetés, corrigés des dépenses d’exploitation (par exemple entretien, administration, charges non répercutables). Elle prend également en compte les taux de capitalisation en vigueur sur le marché, qui varient selon le type de bien, l’emplacement, le niveau de risque et les conditions économiques.
Contrairement à la méthode de la valeur réelle, qui se base sur les coûts de construction, la méthode de la valeur locative est clairement orientée vers l’avenir : elle ne s’applique qu’aux biens capables de générer des revenus locatifs de manière stable. Elle n’est donc pas pertinente pour les résidences secondaires, les logements occupés par leur propriétaire ou les locaux vides qui ne disposent pas de revenus exploitables.
Le calcul est relativement simple : la valeur du bien est obtenue en divisant les revenus locatifs nets réalisables à long terme par le taux de capitalisation approprié. Plus le taux est faible, plus la valeur estimée sera élevée, ce qui reflète la qualité de l’emplacement, la stabilité des loyers ou la faiblesse du risque associé au bien.
Revenus locatifs nets
Le calcul de la valeur de rendement commence par la détermination des revenus locatifs nets. Pour cela, les charges d’exploitation doivent impérativement être déduites des revenus locatifs bruts. Ces charges incluent notamment les frais d’entretien, les frais de gérance, ainsi que les frais généraux tels que les taxes et autres coûts non imputables aux locataires.
Une analyse du potentiel d’adaptation des loyers est ensuite nécessaire. Il peut exister des réserves de loyers, par exemple lorsque les loyers actuels sont significativement inférieurs à ceux d’objets comparables dans la même zone. À l’inverse, une correction à la baisse des revenus peut s’avérer nécessaire si des influences négatives sont attendues sur l’immeuble, telles qu’un changement de zonage, des travaux d’envergure dans le voisinage ou des risques de vacance accrus.
Taux de capitalisation
Le taux de capitalisation est un facteur déterminant dans la méthode de la valeur de rendement. Il n’existe toutefois aucun taux universel, car il doit être adapté au profil de chaque bien et refléter son niveau de risque. Plusieurs éléments entrent en ligne de compte pour le fixer, notamment :
- le nombre d’unités résidentielles ou commerciales, leur répartition et l’homogénéité du bien ;
- l’âge de l’immeuble et le volume total de l’investissement ;
- la nature de l’objet (logement, bureaux, surfaces commerciales, etc.) ;
- les risques liés aux rénovations à venir, à l’entretien différé ou aux logements vacants ;
- l’appétit pour le risque des investisseurs et le rendement souhaité.
Formule : Valeur de rendement = Revenu locatif net / Taux de capitalisation
Par exemple, pour un revenu locatif net de CHF 40’000 et un taux de capitalisation de 3,5 % : CHF 1’142’857 = 40’000 / 0,035.
Atouts
- Méthode particulièrement adaptée aux biens générant des revenus, tels que les immeubles locatifs, les surfaces commerciales ou les bureaux.
Limites
- Dépend fortement du taux de capitalisation, lequel est influencé par de nombreux facteurs (emplacement, état de l’immeuble, coûts d’exploitation, risques futurs), ce qui peut faire varier l’estimation de manière significative.
Méthode résiduelle
La méthode résiduelle est principalement utilisée pour évaluer les terrains et les projets de développement immobilier. Elle consiste à déterminer la valeur d’un bien en partant du produit potentiel qu’un projet pourrait générer à terme, puis en déduisant l’ensemble des coûts nécessaires à sa réalisation. Cette approche est particulièrement pertinente pour les lotissements résidentiels, les projets commerciaux, les changements d’affectation ou les terrains présentant un potentiel constructible.
Concrètement, la méthode résiduelle permet d’identifier le montant maximum que l’investisseur peut consacrer à l’achat d’un terrain ou d’une propriété destinée à la démolition ou à la transformation. L’investisseur commence par estimer soit la valeur de vente future, soit la valeur de rendement du projet terminé, puis retranche successivement les coûts de construction, les frais de planification, les coûts de commercialisation, les impôts, les honoraires professionnels et la marge de risque.
La valeur qui reste à la fin, appelée valeur résiduelle, représente la valeur vénale possible du terrain à bâtir (ou du terrain comprenant des constructions existantes, si celles-ci doivent être démolies ou remplacées). Ce calcul est donc essentiel pour vérifier la faisabilité économique d’un projet avant son lancement.
La méthode résiduelle est souvent utilisée pour :
- le développement de nouveaux projets immobiliers,
- l’achat de réserves de terrains à bâtir,
- les biens nécessitant une démolition ou une transformation complète,
- les opérations impliquant un changement d’affectation.
Elle permet d’appréhender la valeur du terrain non pas selon son état actuel, mais selon le potentiel économique futur qu’il peut offrir.
Exemple simplifié de calcul
Un immeuble collectif comprenant quatre appartements de taille identique est en phase de planification. Le prix de vente attendu pour chaque unité est de CHF 600'000. Dans la région concernée, les coûts de construction s’élèvent à CHF 1'000 par m³, et le volume total du bâtiment est estimé à 1'500 m³.
- Valeur de vente totale prévue : 4 × CHF 600'000 = CHF 2'400'000
- Coûts de construction estimés : 1'500 m³ × CHF 1'000 = CHF 1'500'000
- Valeur résiduelle : CHF 2'400'000 – CHF 1'500'000 = CHF 900'000
La valeur résiduelle obtenue, soit CHF 900'000, représente le montant maximal qu’un investisseur peut raisonnablement consacrer à l’achat du terrain, en supposant que les autres frais (planification, commercialisation, marge de risque, taxes, etc.) sont intégrés séparément ou négligeables dans ce modèle simplifié.
Facteurs influençant l’estimation d’un bien immobilier
Quelle que soit la méthode d’évaluation utilisée, plusieurs éléments peuvent influencer la valeur d’un bien :
- Type de bien : maison individuelle, appartement, immeuble locatif, propriété de luxe ou bien commercial.
- Emplacement : localisation, ensoleillement, accessibilité, infrastructures à proximité, éventuelles nuisances.
- Vétusté : année de construction, état général, niveau d’entretien et qualité des équipements techniques.
- Surface et volume : surface habitable, nombre de pièces, cubage, performance énergétique.
- Aménagements extérieurs : jardin, terrasse, piscine, garage ou places de stationnement.
- Réglementation locale : contraintes urbanistiques, règles de construction, fiscalité communale et cantonale.
Risque : une évaluation peut être influencée par les intérêts de l’évaluateur
Lorsqu’une évaluation immobilière est réalisée, il est essentiel de tenir compte des intérêts potentiels de la personne ou de l’institution qui l’effectue. Tous les évaluateurs n’ont pas les mêmes objectifs, ce qui peut parfois introduire un biais dans le résultat.
Les évaluations réalisées par des banques doivent, par exemple, être interprétées avec prudence. Les établissements financiers cherchent généralement à déterminer une valeur stable, prudente et résistante aux fluctuations du marché, afin de minimiser leur propre risque. Leur approche peut ainsi aboutir à une estimation plus conservatrice que la valeur marchande réelle.
Les architectes, quant à eux, calculent souvent la valeur en additionnant les coûts de construction et la valeur du terrain, sans prendre suffisamment en compte la dynamique actuelle du marché immobilier ou la disposition réelle des acheteurs à payer un certain prix. Leur estimation peut donc s’écarter de la valeur vénale observée.
Si votre objectif est d’obtenir le meilleur prix lors de la vente d’un bien, il est recommandé de faire appel à des spécialistes locaux actifs dans la vente immobilière. Ces experts connaissent précisément le marché régional, les prix récents, la demande réelle et les attentes des acheteurs. Ils sont ainsi en mesure d’estimer la valeur de votre bien au plus juste, en accord avec les conditions de marché actuelles.
Conclusion
Évaluation hédoniste
- Avantages : Résultat rapide, reflète bien les conditions du marché.
- Inconvénient : Nécessite des objets de comparaison suffisants et récents.
- Convient pour : Maisons familiales standard, appartements en PPE.
Méthode de la valeur réelle
- Avantages : Intuitivement compréhensible ; applicable également pour des biens uniques ou spéciaux.
- Inconvénients : Coûteuse ; ne tient pas compte de l’offre et de la demande du marché.
- Convient pour : Biens spéciaux, bâtiments isolés, propriétés haut de gamme.
Méthode de la valeur locative (valeur de rendement)
- Avantages : Relativement simple à calculer ; pertinente pour analyser la rentabilité.
- Inconvénients : Suppose des revenus locatifs stables et une vacance faible.
- Convient pour : Propriétés louées, immeubles de rendement, surfaces commerciales.
Méthode résiduelle
- Avantages : Intègre la variation des coûts et des revenus ; largement utilisée par les investisseurs institutionnels.
- Inconvénients : Plus complexe à mettre en œuvre et sensible aux hypothèses.
- Convient pour : Terrains, projets immobiliers, changements d’affectation, biens à démolir ou à transformer.
Sources
neho.ch - Article
piguetgalland.ch - Article
bestag.ch - Article